ENDED | Promenade nocturne [Lullaby]

©L.J.

Dormir. Lullaby n’y parvenait pas, elle n’arrivait jamais à s’assoupir lorsqu’elle n’était pas chez elle, et c’est ce qu’elle ressentait ici, à Forks. Elle était une étrangère, mais elle était rassurée de voir qu’elle n’était pas seule, malgré qu’elles ne s’entendent plus, au moins, elle avait Temperance et Poppy, elles étaient liées toutes les trois. Quoiqu’il arrive, elles seraient toujours là l’une pour l’autre, même si elles avaient des réticences à se reparler… Elle n’arrivait pas à dormir, se tournait, se retournait, puis décidait de sortir prendre l’air, tout simplement pour avoir un temps mort, pour pouvoir décompresser. Elle enfila un jean noir, un t-shirt simple, des bottines, la sorcière brossa rapidement ses longs cheveux cendrés et décida de les laisser libres. Jezabel mit son écharpe et son manteau puis sortit. Elle marcha pendant près d’une demi-heure, sous ce temps orageux, bénissant le fait qu’elle n’eut pas oublié de se protéger de ce vent glacial, mais elle devait à tout prix se changer les idées. Les poings enfoncés dans les poches, elle avançait à travers des rues vidées de toute humanité, si l’on ne tenait pas compte de quelques ados revenant de soirées complètement ivres bien entendus… Mais l’air frais la calmait tant… Et, la nuit, Forks pouvait avoir des similitudes avec Salem. C’était peut-être pour ça qu’elle se sentait bien, une fois la nuit tombée. Et puis il y avait un parfum de déjà vu. Peut-être était-ce dû à la nuit, ou parce qu’elle sentait qu’elle avait des liens dans cette ville froide, grise et sombres, et bien entendu, il y avait cette attraction qu’elle sentait par rapport à toutes ces choses paranormales. C’était si attrayant, et elle ne ressentait pas cela seulement à cause de sa propre nature.

Il commença à pleuvoir, de manière assez forte, elle rentra donc rapidement dans un petit café, allant demandé un cappuccino, elle s’assit à la fenêtre et regarda l’extérieur. Quoi de plus beau qu’un éclair qui zèbre le ciel noir d’une lumière si claire ? En un peu plus de dix-huit ans d’existence, elle en avait vu des soirées comme celle-ci, parfois même, toutes les Jones, ou tout simplement toutes les sorcières sortaient pour profiter de la pluie, le plus souvent en aout, c’était ce qu’elle préférait, lorsque l’air était si chaud, si chargé. Des soirées, des nuits pleines de pluie et de tonnerre. Et elles riaient, dansaient, profitaient, comme si elles allaient mourir demain. Peut-être était-ce l’héritage que leur avaient laissé celles qui avaient brulées. La vie ne tient qu’a un fil. La vie n’attend pas. « Vivre vite, mourir jeune ». Puis elle regarda l’heure, chercha son mobile, qu’elle ne trouva pas. Non mais qu’elle idiote, elle l’avait oublié sur son bureau, si jamais Temp’ tentait de l’appeler ? Elle s’avança vers une jeune femme brune, d’apparence frêle et paya cette consommation qu’elle venait de finir puis partie. Enfin, essaya tout du moins, car à peine avait-elle mis le nez dehors qu’elle se fit heurter violemment quelqu’un. Elle manqua d’ailleurs de tomber, bénissant ces quelques pouvoirs qui lui permirent de rester debout. Le jeune homme qui venait de la percuter, blond aux yeux sombres, étouffa un « pardon ». Hey ! Il n’allait pas s’en tirer comme ça celui là ! Elle haussa un sourcil affichant un air qui devait en dire beaucoup sur la personnalité quelque peu particulière de la jeune femme et dit avec un petit sourire en coin :

« Je n’ai pas entendu, vous disiez ? »

La jeune sorcière qu’était Lullaby regarda le jeune homme dire de nouveau « pardon », accentuant tour à tour les deux syllabes, certes, le volume sonore n’était pas poussé au maximum, mais il avait fait un effort après tout. Elle se mordit la lèvre inférieure, réprimant un fou rire, il était attendrissant ce petit – qui mesurait au moins vingt centimètres de plus qu’elle – homme taciturne. La bouche du jeune homme se tordit en un sourire gêné et resta tel un poteau planté au beau milieu du trottoir, la demoiselle ne savait pas ce qu’il attendait si patiemment, alors elle lui fit, à son tour, un sourire, bien plus large et enjouée que le sien. D’accord, vu de l’extérieur, cela pouvait être vraiment bizarre de voir quelqu’un de distant faisant répéter des excuses, puis qui finissait rayonnante et pleine d’entrain. Il avait l’air de déprécier les gens, comme s’ils avaient été des monstres dans sa vie. C’est vrai, elle avait connu ça. Elle vivait ça. Le fait d’être sous-estimée par Prudence, alors qu’elle avait deux fois plus de capacités qu’elle. Et Poppy, qui trouvait toujours à redire. Mais au moins, il y avait cette dernière et Temperance, lorsqu’elles s’étaient disputées, la cadette avait eu l’impression de tout perdre... Comment avait-elle compris cela ? A sa manière de fermer les yeux. Elle l’avait fait tant de fois, lorsqu’elle tentait de maintenir, de contenir ses larmes, lorsqu’elle pensait à ses anciennes meilleures amies. Elle ne pouvait pas s’imaginer ce que cela pourrait être si la personne qui trahissait était ce que l’on considérait comme l’amour de sa vie… Cela devait être terrible, enfin, c’est ce qu’elle pensait, elle qui n’avait jamais connu l’amour. Enfin, elle était un vrai cœur d’artichaut, mais ses histoires d’amour n’existaient que dans ses rêves, alors elle se confortait avec les mots d’Eugène Ionesco « la vérité est dans l’imaginaire », si seulement c’était vrai, elle aurait vécu cent ans en un jour, mille en une semaine, elle aurait tout vu, tout vécu. L’amour, la vie, la mort aussi, toutes ces phases importantes, tout ce part quoi l’on passe. Et à présent, elle était repartie dans ces rêves, avant de se ressaisir rapidement et de retourner son attention vers ce jeune homme qui devait avoir deux, au maximum trois ans de plus qu’elle. Il était blond, aux yeux sombres, la peau pale, il était grand, assez mince, charmant. Mais apparemment très timide. En tout cas, plus qu’elle. Elle rit :

« Oh excuse-moi… (Rires) Je suis Lullaby, et toi ? »

Et bien quoi ? La demoiselle venait juste d’arriver à Forks, il fallait bien qu’elle rencontre du monde. Qui lui soit ou non rentré dedans vers minuit. Et qu’il soit ou non un garçon. La seule condition était qu’elle ne tombe pas amoureuse. Et de toute façon, même si ça lui arrivait un jour, il y aurait plusieurs embuches : sentiments non partagés, désaccord de la sororité. Car oui, c’était cela, en quelques sortes, elles étaient trois sœurs. Les autres, Lullaby s’en moquait. Elles n’avaient aucun intérêt, et la sous-estimait trop, comme si sa jeunesse l’empêchait de pouvoir se débrouiller par elle-même… Elle était plus douée que l’une d’entre elles deux, ces anglaises… Celle qui était si en retard, à savoir que sa mère avait cru qu’elle était dépourvue de pouvoir alors que pour la sorcière de Salem, personne ne pouvait douter de ses capacités. Elle regarda le jeune homme, avec cet air naïf qui la qualifiait tant, ce qui pouvait troubler lorsqu’on l’avait vu prendre ses airs supérieurs. Elle fit une moue embêtée avant de s’excuser à nouveau, beaucoup plus sérieuse, et de continuer à parler.

« Je… Je suis désolée, je ne sais pas comment parler aux gens, j’n’ai pas l’habitude et… Je viens d’arriver… ça n’aide pas non plus… »

Elle fit une petite grimace, comme pour appuyer ses dires. Elle regarda le sol, se mordant la lèvre inférieure, visiblement embêtée. Et puis elle s’engueulait, intérieurement parlant. Elle était en train de raconter sa vie à un inconnu, non mais elle se disait qu’elle était complètement folle, et bavarde, ce qui était vraiment rare chez elle. Et pourquoi ne pas continuer en disant qu’elle était venue là pour rencontrer des vrais vampires, des vrais lycans et qu’elle était une vraie sorcière ? Elle retira rapidement une mèche qui venait de tomber devant ses yeux, et se redressa pour le regarder.

Enchanté ? Franchement, il avait l’air tout sauf enchanté. Je n’étais pas un vampire, une bête féroce, ni un féroce brigand qui lui avait mis un couteau sous la gorge. « Tu DOIS dire que tu es enchanté sinon je te TUE, MOUHAHAHA » ceci était un exemple, et non mes paroles bien entendu. Je n’avais pas l’habitude d’avoir cet espèce de rire sadique et machiavélique. Ni a mettre un couteau sous la gorge d’autrui d’ailleurs… Quoique… Mon nez bougea quelque peu, comme dans ma sorcière bien aimée, enfin, pas d’une manière aussi retouchée, enfin, tout simplement, plus naturellement. Byron agissait comme s’il était coincé avec moi alors qu’il aurait tout simplement pu s’échapper comme il le souhaitait. Enfin… oui, bien sûr qu’il aurait pu s’enfuir. Enfin presque. Bien entendu que je ne l’aurais pas poursuivit dans la rue en criant « tu veux être mon amiiiii » mais bon, je n’avais pas trop envie qu’il parte, étrangement. Bien entendu, je ne lui aurais tout de même pas non plus jeté un sort pour qu’il se retrouve pétrifié non loin de là. Mais il semblait comme qui dirait « figé », donc ce n’était techniquement pas ma faute mais tout simplement la sienne,... Oui, il était vrai que parfois je pouvais faire preuve d’un semblant de mauvaise foi parfois. Bref, je n’allais pas tarder à ouvrir la bouche pour parler lorsqu’il demanda ce que je lui voulais. J’étais estomaquée, j’ouvris de larges yeux, puis fronçais les sourcils. Je n’étais pas le genre de fille souhaitant quelque chose de quelqu’un. Jamais. Je n’avais qu’à rester telle quel, généralement, mon aura attiré les autres même s’ils ne la voyaient pas. Mais jamais je n’avais eu d’attentes, que se soit au niveau amical ou du fait que je voulais ou non trouver un endroit où dormir, ou alors que je comptais lui piquer tout son argent, d’une manière ou d’une autre. En bref, il eut la faculté de me vexer en une phrase. Il faut dire que je n’avais pas l’habitude des personnes qui pensaient du mal de moi. Autre que des sorcières bien évidemment. Et elle j’en était attristée. Mes yeux sombres s’embuèrent de larmes et je répondis enfin. Énervée, affectée, froissée, et de manière froide :

« Je… Je… J’n’voulais rien. Allez-vous faire voir ! »

Il aurait tout de même pu être plus poli ! Bon, d’accord, je ne l’avais pas été en retour, mais quoi de pire qu’une fille vexée ? Rien. Le paratonnerre que Byron avait juste derrière lui reçu un éclair. Ce qui me fit sourire, il était tombé si près d’eux. Et je savais très bien qu’il aurait pu tomber bien plus loin si je n’avais pas été dans cet état, cela l’avait attiré… et sa manière de se comporter m’énervais je voyais qu’il avait guetté sa réaction, mais j’avais été plus que directe sur le fait que j’avais été blessée par ses propos. Jamais personne n’avait douté de moi à Salem. Enfin, j’avais bien entendu déjà subit des paroles blessantes mais celles de cet homme que je ne connaissais pas plus que cela me touchaient de manière inconsidérées, et je ne comprenais pas pourquoi ! C’était juste un humain comme un autre, quelqu’un qui ne méritait pas plus que ça son attention. Mais déjà, je m’en voulais d’avoir été impolie car je me sentais étrangement soudain chez moi. Je murmurais de manière inaudible :

« Je.... Pardon. »

Spoiler:

Je me serais attendu à tout, vraiment, mais pas au fait que ce grand jeune homme blond, Byron, me prenne dans ses bras. Lui qui s’était montré vexant moins de trente secondes auparavant, après qu’il ait prit une grande inspiration, s’était avancé vers moi et m’avait enlacé tendrement. Désormais, il me murmurait qu’il s’excusait. Sa voix était bien plus douce que celle qu’il avait utilisée précédemment, après une petite hésitation, il poursuivit en m’expliquant qu’il ne voulait pas se montrer méchant. Je pensais alors que ma réaction était un peu forte, oui, bien entendu que ma réaction était forte. Elle était exagérée et je ne pouvais m’expliquer la raison. Le pourquoi du comment. Tout simplement cela était-ce hors de toute logique de la part de la petite sorcière de Salem que je suis. Mais je ne parlais pas. Je ne pouvais pas à vrai dire, j’étais comme bloquée, tétanisée. Certes, son étreinte était forte mais elle ne me dérangeait en rien. Moi qui n’étais pas spécialement tactile, je ne remarquais qu’à peine qu’il poursuivait son enlacement. Okay, peut-être que là, je mens… mais je me sentais tout particulièrement bien dans ses bras, comme si que Forks avait enfin une signification pour moi. Non non, ne vous imaginez pas que je commençais à fantasmer sur ce jeune homme, plus vieux que moi, et de toute manière : impossible. Les sorcières utilisent les mecs comme des objets, ou plutôt comme de simples géniteurs. Et si je fermais les yeux, c’était tout simplement pour me les reposer quelques secondes. La reine de la mauvaise foi me direz-vous... Et bien… Oui. Mais j’espérais surtout un ami ici. Fille ou garçon, qu’importait. Mais pas n’importe qui, il fallait quelqu’un. LE quelqu’un. Comme si cette personne pouvait percevoir mon aura. Ce qui, en soit, était impossible, sauf si l’on s’avérait être une autre sorcière, et sur ce point, j’étais persuadée que ce Byron n’en était pas une. Etonnant non ? Et bien quoi, ça ce voyait qu’il n’était pas une « gonzesse », mais un mec, et quelqu’un de bien qui plus est. Enfin, je le sentais, peut-être était-ce pour cela que j’avais mal prit sa remarque. Il était bon, je le savais, intérieurement, instinctivement, comme s’il portait une marque primitive, oui je délirais mais c’est souvent le cas lorsque l’on est tellement emballé par ses explications que l’on ne sait plus quoi dire. Ses explications ou tout autre chose à vrai dire. Tout ça pour dire que mes pouvoirs me le confiait : il était une personne bien, quelqu’un qui avait beaucoup souffert, subit dans sa vie… perdue dans mes pensées, je n’avais pas vraiment remarqué le silence pesant qui s’était installé entre nous deux. Silence qui semblait le mettre mal à l’aise puisque je l’entendis se mordre les lèvres.

Il me lâcha soudainement, et il recula de quelques pas, penchant légèrement la tête, je l’observais fermer les yeux, prendre une grande respiration, un sourire attendrit affiché sur le visage. J’aurais pu m’attendre à ce qu’il parle. Ce qu’il ne fit pas, non, à la place, je le regardais se stabiliser, porter ses mains derrière son dos, et tout cela pour finalement me regarder. J’en concluais donc qu’il attendait une réaction de ma part. Oui, je sais, c’est étrange qu’avec cette intelligence je sois toujours au lycée… Je regardais furtivement sur le coté avant de baiser la tête. Je me sentais idiote à vrai dire. C’est vrai quoi, qui irait pleurer parce qu’on n’est pas gentil avec lui si l’on a plus de trois ans ? Et bien personne, sauf moi… Lorsque je relevais la tête, il rouvrit ses paupières, posant ses yeux noisette sur mon regard d’ambre. Je me mordis la lèvre inférieure, tentant tant bien que mal de soutenir son regard. Ce fut à mon tour de prendre une grande respiration, on avait l’air fin tous les deux, à distance raisonnable, se posant mentalement des tonnes de questions mais n’arrivant pas à ouvrir la bouche et a parler à autrui. Puis, en deux secondes, je me décidais enfin et me lançais, pour me faire pardonner auprès du barman...

« Hum. Excuses-moi. Ma réaction était… disproportionnée. Pardon. »