Retrouvailles [Heaven Dawn, forgotten bud]

Je sortis d’un magasin de musique, j’y avais choisit les meilleures nouvelles sorties, ce que je faisais tout les mois. J’étais d’ailleurs contente de trouver ce magasin ici. La section « pop/rock » issu d’Angleterre concernait près de la moitié de l’établissement. J’en profitais également pour prendre un album classique, rien de mieux pour se détendre, presque à s’endormir, si cela aurait pu être possible pour moi. Ce qui malheureusement ne l’était pas. D’ailleurs, à force, je me disais que ça avait été de ces choses supers lors de ma vie d’humaine. Cette vie me manquait mais j’avais depuis découvert tellement de choses.

Je m’éloignais de l’échoppe et, passant dans une allée assez sombre, une odeur me revint en mémoire. Quelque chose qui n’avait rien à voir avec le moment présent. Rien à voir avec le début de soirée de ce samedi d’hiver. Le soleil s’était couché bien que personne n’avait dû avoir l’impression qu’il s’était levé. Et pourtant, la ville était bien éclairée. Revenons à nos moutons, ou à nos chauves-souris comme l’aurait dit Savannah. Je marchais donc dans cette allée et j’humais ce parfum que je connaissais bien, les souvenirs revenant en ma mémoire…

Cette fragrance était un rappel frappant de l’Italie : il s’agissait d’un vampire que j’avais connu avant, lorsque mes diners étaient composés d’hommes. Jusqu’à ce que je parte, jusqu’à ce que je devienne « végétarienne », comme un homme qui remplierait sa satiété avec du tofu… Heureusement que cela n’existait pas a mon époque d’ailleurs… Et cette personne, cette femme, June, se rapprochait. Oui, je l’avais suffisamment croisée il y avait presque cent cinquante ans de cela pour me rappeler de son odeur.

Je tournais vers la route car j’avais entendu quelques hommes, cinq précisément et je connaissais également ce genre de personnes. Ils s’en prenaient aux femmes. Et je ne voulais pas à avoir à me défendre parce que je savais qu’ils mourraient tous si je le faisais. Je marchais sur le trottoir et j’entendis une voiture, l’odeur se faisait plus forte. Elle s’arrêtait près de moi et m’apostropha. Je me retournais calmement :

« Bonsoir June. »

Je ne pu m’empêcher de sourire devant son embarras : elle ne s’attendait pas à me voir. Ou alors c’était le calme qui avait été le mien qui l’avait surprise. Quoiqu’il en soit, je me dis que son odorat était bouché. Je trainais en ville depuis quatorze heures, soit moins d’une heure avant la fin de mes cours. Là où j’avais revu monsieur Makinen, ou l’homme dont j’avais faillit faire mon diner dans cette librairie de Forks. J’avais séché les cours le lendemain d’ailleurs, en parti pour fuir les rayons du soleil qui avaient réussit à percer dans cet hiver enneigé, mais c’était surtout pour chasser. J’en avais vraiment besoin. Je m’étais d’ailleurs plus nourrit qu’à mon habitude. J’avais manqué de me transformer de nouveau en le monstre que j’étais avant. Et maintenant, je me demandais si ce n’étais pas le fait que j’avais senti à ce moment là que June allait revenir, que mes anciens démons reviendraient me hanter. Bien entendu, ce n’était pas June le démon, elle était damnée comme moi mais était l’une des personnes les plus sympathiques de mon espèce que j’avais rencontrés à l’époque…

J’émis un petit rire lorsque je l’entendis bégayer, ce rire cristallin caractéristique des femmes vampires, le mien un peu plus léger par rapport à l’âge que j’avais lors de ma transformation. Ce qui avait vraiment pas d’importance sur le moment, mais je m’égare souvent… Je parle, je parle et je dévie. Je la regardais se perdre dans les méandres de son passé car j’étais sûre qu’elle faisait désormais ce que j’avais fait quelques instants plus tôt. Mais ce qui m’étonnait, c’est qu’elle ne m’ait pas sentie. Mon odorat devait être plus poussé que le sien. Ou alors, c’était simplement que la faim me travaillait. Je me retournais discrètement vers un des miroirs anticollisions au coin de la rue, mes yeux étaient clairs, non. Je n’étais pas affamée, en même temps, mon dernier diner datait d’y a 4 ou 5 jours. Elle se passa la main dans les cheveux, reprenant ses esprits et je lui répondis :

« Moi aussi je suis ravie de te voir »

En fait, ce n’était pas vraiment le cas mais je savais que ni mes gestes, ni mon allure ne pourrait me trahir. Je me demandais, en vue de ses yeux rouges, si rencontrer une ancienne connaissance aimant le sang humain, désormais adepte du côté végétarien de la chose. Une personne sanguinaire devenue avec le temps une personne préservant les hommes en se contentant d’animaux. Quelques personnes pouvaient se montrer odieuses avec les gens comme moi. Insultants même. Mais je m’étais déjà battue pour ça après tout et puisqu’elle était seule, peut-être que ses protecteurs, qui étaient pires que les miens parce qu’insatiables… Et elle semblait je ne sais pas, rassurée. En Italie en même temps, il y avait ces orgies sanglantes, ces massacres, j’avais lu certaines choses dans les archives de la grande bibliothèque là-dessus, cela m’avait dégouté. C’était d’ailleurs le même soir où j’avais entendu ces hommes parler des « végétariens » et le même soir où je décidais de devenir comme eux. D’épargner les hommes.

Elle les entendit, tout comme moi. Elle avait entendu leurs pas pressés, avait comprit leurs paroles lorsqu’ils parlaient de la belle et sexy petite adolescente que j’étais pour eux. Elle avait distingué qu’ils pensaient que j’étais une proie facile, qu’ils m’auraient en un rien de temps. Ils ne savaient pas bien sûr que leurs vies ne tenaient qu’à un fil en face de moi. Que je pouvais les briser tours à tours en un temps record, bien plus vite qu’il leur était possible d’analyser ce qui leur arrivait. Elle ouvrit adroitement sa portière et me demanda si je voulais monter. Ne souhaitant pas les tuer, bien que cela pu être un bien pour la société ou pour Seattle tout simplement… Mais ça risquait de me rendre les pulsions que je m’efforçais de refouler. Je soufflais alors avant de monter :

« Avec plaisir »

Je vis le sourire qui avait naquit sur ses lèvres s’effacer à mesure que son regard s’était imprégné du mien. Elle venait de comprendre, je le savais. Durant un millième de seconde, elle fronça les sourcils, certes, pour quiconque ça serait resté imperceptible mais je sortais du lot. J’étais un vampire et en plus de ça, très observatrice durant ma vie d’avant, je l’avais gardé, et cette qualité, cette caractéristique s’était décuplée lors de ma transformation et durant toutes ces années. Elle était intriguée et cela se comprenait. Comment une femme, un vampire je veux dire, un sang-froid comme moi, pouvait se contenir et résister à l’appel du sang humain. Je lâchais simplement :

« C’est plus difficile qu’on le pense. »

Je désignais de ma main droite mes prunelles d’un sombre doré. Je savais qu’elle le comprendrait. Et c’était tellement vrai. Je n’arrivais pas à me remettre de ce qui avait faillit se passer à la librairie, de nouveau, ça me traversait l’esprit. Il aurait suffit qu’il saigne un peu plus et je lui aurais sauté dessus. Le privant du reste de sa jeunesse, lui arrachant la vie. J’aurais très bien pu lui enfoncer mes dents acérées dans le cou, le vider de son sang. La libraire était une proie facile, je n’aurais eu aucun mal à la faire taire. Je me mordis la lèvre inférieure, je ne su pas si c’était d’envie ou de dégout envers moi-même.

Après être montée dans la voiture, je vis les cinq hommes, leur regard s’était attardé sur mes jambes, dévoilées par la fin de mon manteaux jusqu’au haut de mes bottes. J’avais ma période « robes » que voulez vous. Oui, c’est vrai, en plein hiver, à Forks –même si présentement je suis à Seattle– c’était un peu du suicide mais bon, j’étais morte après tout, je ne risquais rien. Et puis je ne sentais pas le froid… Bref. Ces hommes avaient le physique de l’emploi. Ils n’étaient pas propres sur eux, la moitié avait une bouteille en main. Quasiment toutes vides. Comment pouvaient-ils déjà être saouls ? Je refermais la porte.

Je restais silencieuse pendant que June appuyait légèrement sur la pédale d’accélération de la voiture qui démarra au quart de tour, quittant ce quartier insalubre pour le grand boulevard. Comme je m’y attendais, elle se tourna vers moi. De toute façon, nos reflexes étaient tels que je savais pertinemment, tout comme elle, j’en étais certaine, que nous n’aurions pas d’accident. Son sourire était réapparut et elle me parla, je lui répondis après quelques instants, m’acquittant à mon tour d’un sourire :

« J’ai le temps de discuter avec toi… Mais je profiterais de toi quelques instants pour me redéposer à ma voiture… Je suppose que tu as des questions, non ? »

Lorsque je lui dis qu’être végétarienne était plus dur qu’on ne pouvait le penser, elle hocha la tête, apparemment elle n’en doutait pas comme certaines personnes, certains vampires que j’avais déjà rencontrés. Et puis, elle avait vécu en Italie, là, tout était permis, même des disparitions entières de groupes composés d’une vingtaine d’hommes, de femmes et d’enfants. Quoique ces derniers étaient parfois laissés, trop peu de nourriture…

Après lui avoir parlé, je sentis la voiture ralentir jusqu’à s’arrêter sur la chaussée. Elle parla de façon assez véhémente il faut l’avouer et par ses propos, je me sentie comme pincée. Oui, bien qu’elle ponctue sa phrase par un sourire, assez hésitant il fallait l’avouer, j’avais l’impression qu’elle ne m’avait pas comprise. Elle donnait l’impression de croire que je n’avais nulle envie de parler avec elle. Peut-être que j’avais été froide. Ca m’arrivait souvent après tout. J’ouvris la bouche pour m’expliquée mais elle fut plus rapide que moi.

« Elle est au centre commercial et. Hum. Je suis désolée. »

Je ne la regardais pas, mes yeux fixaient l’extérieur, je détestais m’excuser, même quand j’avais tort, allez savoir pourquoi, le moi-vampire, contrairement au moi-humain me paraissait assez suffisant. D’ailleurs, je pris une pause avant de continuer à parler, essayant de transformer cette voix qui pour moi était posée et qui, pour elle, était un signe de froideur évident de ma part.

« J’ai du mal… Tu représentes ce que j’étais… Avant. Avec Ethan et Davis… »

J’espérais qu’elle me comprenait, après tout, elle les avait vus comme moi, ces « protecteurs » qui n’en étaient pas, eux qui me privaient du reste du monde. Elle en avait eu aussi, peut-être étaient-ils là d’ailleurs… Mais apparemment, elle était seule. Je n’avais pas senti leur odeur jusqu’ici… Je fronçais les sourcils avant de poursuivre :

« Mais je suis ravie de te voir, ça me fais vraiment plaisir… La dernière fois je suis partie en coup de vent »

Oui, je l’avais vu deux jours avant d’entendre cette conversation, deux jours avant de dire à mes protecteurs que je souhaitais faire ma vie. Deux jours durant lesquels ma vision du monde et de ce que j’étais avaient entièrement changés. J’avais décidé d’épargner les humains, et de vivre ma vie. Je n’avais dit au revoir à personne. Même pas a elle que j’appréciais tant… Je lui adressais un sourire amical, espérant qu’elle me comprendrait.